Nous avons tous déjà écrit dans un livre d’or. Un mot d’encouragement, de félicitations, une remarque sur l’accessibilité des textes, une critique, un dessin d’enfant… En feuilletant les livres, les ressentis et remarques des visiteurs s’étalent sur des pages et des pages, sous différentes formes. Mais vous êtes-vous déjà demandé ce que deviennent ces carnets une fois toutes les pages blanches remplies ? Rangés dans les archives du musée ? Analysés pour en faire ressortir le nombre de visiteurs sortis enchantés de leur visite et ceux qui ont détestés ? Un peu des deux tant la tâche est complexe et chronophage.

 

Et pourtant, connaître son public est essentiel pour une institution culturelle. Camille Caubrière et Alizée Doumerc ont eu l’idée de créer un livre d’or interactif. Il s’agit d’une tablette numérique installée à la sortie des expositions et qui permet aux visiteurs de donner ses impressions sur sa visite. Mon cher Watson a d’ailleurs eu l’occasion de tester cette invention au Musée de la Chasse et de la Nature ; nous avons donc voulu en savoir plus sur les missions que se sont données ces deux jeunes entrepreneures.

– Bonjour Camille et Alizée, pouvez-vous nous présenter vos parcours professionnels ?

guestview1Nous sommes diplômées de l’ENS de Lyon (pour Alizée) et de Sciences Po Paris (pour Camille). Pendant et après nos études, nous avons accumulé les expériences dans le secteur culturel en passant par les médias (presse spécialisée), grandes institutions publiques (Louvre, musée d’Orsay), maisons d’enchères (Sotheby’s, Christies) mais aussi institutions privées (Espace Louis Vuitton).

 

– Racontez-nous l’histoire de la création de GuestViews ?

GuestViews est né alors que nous travaillions toutes les deux dans une institution culturelle. Une grande partie de notre travail consistait à retranscrire dans des immenses tableaux excel les informations laissées par les visiteurs sur le livre d’or papier. La tâche était longue et assez rébarbative, mais nous avons surtout perçu que de nombreuses informations se perdaient en cours de route à cause d’écritures illisibles, de papiers égarés, etc. Nous avons donc commencé à penser à un outil intelligent qui puisse récolter, stocker, et donner à voir de façon intelligente toutes ces données récoltées, et GuestViews est né un an plus tard.

 

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Le livre d’or GuestViews en situation au Lieu du design

 

– En quoi la connaissance des publics est-elle indispensable pour une institution culturelle ?

Les musées sont souvent perçus comme des institutions figées dans le temps, statiques, et très peu à l’écoute de leur public. En réalité, c’est tout le contraire : les institutions culturelles sont en permanence dans l’échange avec leur public afin d’évoluer, de rester pertinentes et d’anticiper les attentes de leurs visiteurs de demain.

 

Aujourd’hui, les institutions culturelles sont soumises à deux forces contraires. La première est l’explosion du nombre de visiteurs et l’engorgement progressif des musées : les lieux culturels voient le tourisme étranger fortement se développer, et le nombre de visiteurs augmente si vite qu’il est parfois difficile de le maîtriser. Dans ce contexte, la connaissance des flux visiteurs est essentielle afin d’adapter l’institution à cette demande (en changeant les horaires d’ouverture, en embauchant plus de personnel, en étudiant les trajectoires des visiteurs…).

À l’inverse, la seconde tendance est l’hyper-personnalisation de l’expérience de visite : avec les progrès du digital et les changements de modes de consommation de la culture, les musées cherchent à offrir à leurs utilisateurs des visites sur mesure afin de mieux répondre à leurs attentes. Cette volonté se manifeste, entre autre, par l’usage de beacons afin de personnaliser les audioguides, d’applications de question/réponse en direct lors des visites, ou encore de programmes très poussés de fidélisation des visiteurs. La connaissance des visiteurs est donc au cœur de ces innovations : les institutions essaient d’en savoir de plus en plus sur eux afin de comprendre comment ils prennent contact avec le musée, ce qu’ils attendent de leur visite, d’analyser leurs ressentis et de les fidéliser sur la durée.

 

En résumé, les institutions culturelles commencent à penser comme des marques et adoptent des vraies techniques marketing de connaissance client – et c’est tant mieux !

 

Comment les institutions culturelles peuvent-elles utiliser les informations collectées via le livre d’or interactif ?

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Le livre d’or digital que nous avons développé permet de récolter trois types de données : les verbatims (commentaires ou choix d’image), les études de public, et les adresses emails.

Les commentaires permettent à l’institution de donner la parole à leur visiteurs. Ces derniers se sentent ainsi écoutés et valorisés, et renforcent leurs liens avec le lieu. Les verbatims sont réutilisés ensuite sur les réseaux sociaux et le site des institutions afin de générer un bouche à oreille positif sur le web. Ils sont également utilisés par les institutions pour leur communication interne, afin de mettre en valeur le travail des équipes ou de corriger des problèmes concrets pointés du doigt par les visiteurs.

Les études de public permettent aux institutions de mieux comprendre leur public : elles donnent un aperçu de qui sont leurs visiteurs, d’où ils viennent et pourquoi ils viennent, de leurs taux de satisfaction… Associées aux adresses emails laissées par les visiteurs, ces études permettent de mieux fidéliser les visiteurs via des campagnes d’emailing ciblées.

 

 

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Entreprendre dans la culture, est-ce facile ? Quels obstacles avez-vous rencontrés ? Avez-vous eu de l’aide ?

Il n’y a aucun domaine dans lequel c’est facile d’entreprendre !

Travailler dans le secteur culturel, c’est très vite se confronter aux institutions publiques. Quand nous nous sommes lancées, ces institutions n’avaient pas l’habitude de collaborer avec des startups. Même quand nous avions des interlocuteurs enthousiasmés par le produit et convaincus par son efficacité, il était parfois long et difficile de convaincre la hiérarchie et de faire bouger les choses. Ces deux dernières années, nous avons vu cependant évoluer les mentalités : maintenant, les institutions culturelles viennent parfois à nous pour solliciter nos services sans que nous ayons besoin de leur démontrer l’utilité du produit !

 

La plus grande difficulté a été donc d’adapter nos méthodes au monde des institutions publiques qui sont par définition plus hiérarchisées, plus complexes donc plus lentes.

 

Et c’est sûrement la lenteur administrative qui est le plus gros danger pour les startups et notamment en ce qui concernent des délais de paiement. Pour une petite structure, il est en effet important d’être payé rapidement afin de couvrir ses besoins en fonds de roulement, mais les musées ont parfois des délais de paiement assez longs, pouvant aller jusqu’à plusieurs mois.

 

Tout au long de notre histoire, nous avons été très aidées et soutenues par des gens issus de beaucoup de domaines différents : nos investisseurs bien sûr, mais également des personnalités issues du monde de la culture qui ont cru en notre idée et qui ont aidé à faire bouger les choses. Nos clients actuels, en nous recommandant auprès de leurs pairs, sont également moteurs de notre développement.

 

Merci Alizée et Camille d’avoir répondu à nos questions ! N’hésitez pas à tester le livre d’or GuestViews quand vous le verrez pour aider l’institution dans sa connaissance de son public et vous faire votre propre opinion sur le produit !

 

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